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Paul de Boisbrunet vous parle de musique

Requiem minimum

Requiem minimum

- Il faut se souvenir des extases de nos carcasses , c’est comme un réquiem hein !

Longtemps je me suis couché très tard (n'est pas Proust qui veut!). La nuit a cet avantage de sembler moins rigide, moins exigeante peut-être que les petites modalités diurnes, bonnes manières et autres interactions sociales un peu trop moelleuses à mon goût. La nuit, c'est une page blanche, c'est un secret, un refuge, c'est un asile. Mille feux nous éclairent et un rien nous retient. On passe alors dans les couloirs sans fin du temps qui se dilate, qu'importe le flacon, il n'y a pas de manières. C'est simple alors de réfléchir un peu, et mieux penser encore, la tête au frais, l'esprit bien attentif et rempli des chimères qu'on avait presque oubliées. Et puis il y a la musique, dans tout son possible, bien installée dans le silence des magasins et dans l'absence des dormeurs (si vous habitez la campagne, démerdez-vous). Tout est propice, vous avez le bac à sable rien que pour vous, c'est pas désagréable faut dire. Bien sur, la musique gagne les salles de concerts, les bistros, les antres de blablatage homologués pour noctambules de comptoir et séducteurs en kit (Chemise cintrée, Mojito et carte gold). Souvent c'est un appel : «allez viens ! tu perdras ton temps quand t'en n'auras plus aucun à perdre, c'est plus drôle !» Hep ! Attends, coupe ton téléphone et respire un grand coup. Ce soir, tu écoutes de la musique. Je veux dire : tu écoutes de la musique ! Y'a quelque chose que tu comprends pas dans cette phrase ? Je peux la répéter encore, je l'ai apprise par cœur de toute façon !

- Je l'ai apprise par cœur je te dis !

Quand on s’abandonne au superbe il y a peu de choses pour nous surprendre. Les objets, les sons, l’air qu’on respire, les couleurs des choses, tout revêt un drôle d’habit sublime et fantastique, le merveilleux s’invite dans votre corps jusqu’à fourmiller dans vos doigts. C’est de la magie je vous dis...! Une véritable expérience et sans alcool encore !

Alors, il reste les masses inertes des riens qui nous entourent, posés là comme par erreur. C’est soudain le réel qui devient absurde, l’espace qui nous enveloppe, les chaises, les fenêtres, les petits objets du quotidien, semblent échoués là, démotivés de leur fonction. Tout corps sensible s’enfonce encore et encore dans la grande gorge de l’imagination, c’est comme du rêve figé. On dirait bien qu’on les a oublié là les trucs et les bidules qu’on voit ici et là, ridicules et honteux, comme ayant l’air de s’excuser de participer à la grande messe. C’est pourtant bien dans la vie qu’on occupe ces engins étrangers. Cependant à ce moment précis toutes ces choses cessent d’exister. La musique investit tout, c’est une invasion. Faut bien dire que c’est très sensitif ces expériences là ! On a beau chercher à crâner un peu, à se cacher derrière une porte pour laisser couler une larme qu’on ne soupçonnait pas, ça vous porte au delà encore, ça vous précède. On est peu de chose...

On est peu de chose.

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